EDITION: Décembre 2015 - Février 2016

L’apogée de l’économie collaborative

Par Jerry Brownstein
Seulement hier soir, près de quarante mille personnes ont loué leur logement par l’intermédiaire d’un service offrant 1,5 millions de chambres dans 35 mille villes de 194 pays. Ils ont tous choisi leur chambre sur internet et ont tous payé en ligne… Mais ces lits n’ont pas été réservés par une chaîne d'hôtel ou une agence de voyage. Ils ont tous été offerts par des particuliers utilisant Airbnb, une société basée à San Francisco qui relie clients et invités du monde entier. C'est l'exemple le plus frappant de la nouvelle et immense « économie collaborative » grâce à laquelle les personnes louent directement lits, voitures, bateaux et autres marchandises auprès d'autres personnes par le biais de plateformes coordonnées sur internet. Le concept derrière cette économie collaborative est simple : une personne a un bien qu’elle n'utilise pas et se connecte via internet à quelqu’un qui en a besoin. Dans le cas d’Airbnb, ce bien se trouve être une chambre ou un appartement vide, et la personne qui en a besoin, un voyageur.

 
L'essence de ce nouveau type d'économie part du principe de donner aux gens la possibilité de partager aisément des biens et des services avec d'autres personnes, au lieu d'avoir à les acheter ou les louer de manière commerciale. Vous pouvez penser que cela ressemble à des activités plus traditionnelles comme séjourner dans un gîte touristique, posséder une multipropriété en temps partagé ou partage de voitures. Cependant, la grande différence est que les progrès technologiques ont rendu beaucoup plus facile et moins coûteux le fait de partager les marchandises, et c’est la raison pour laquelle l'économie collaborative a été en mesure de s'étendre si rapidement. Avant internet, louer une planche de surf, un outil électrique ou une place de stationnement de quelqu’un d’autre était réalisable mais tellement compliqué que cela ne valait pas la peine. Maintenant, des sites de partage comme Airbnb et beaucoup d'autres mettent en contact propriétaires et utilisateurs, qu’il s’agisse de chambres, de voitures, d'ordinateurs ou autres… Cela est devenu facile et simple grâce à l'énorme quantité de données disponibles par le biais de la technologie moderne.

 
Toutes les communications et les accords sont faits via internet et les systèmes de paiement en ligne gèrent l'argent. Les smartphones avec GPS permettent aux personnes de savoir où est garée la voiture louable la plus proche, ou par exemple où se trouve le conducteur le plus près à même de les emmener à leur destination, grâce à des applications comme Uber. Internet contribue grandement à intégrer l'élément de confiance dans le système. Les compagnies collaboratives vérifient tous les participants qui sont ensuite contrôlés grâce aux évaluations et notes des utilisateurs eux-mêmes, émis par toutes les parties concernées lors de chaque transaction. Pour les nouveaux utilisateurs, il est plus facile de voir qui est fiable et facile à traiter, quels sont les conducteurs sécuritaires et courtois, quels sont les appartements propres et confortables, quels hôtes ont été respectueux et honnêtes, etc., etc… En utilisant Facebook et autres réseaux sociaux, les participants peuvent également se renseigner mutuellement et identifier les amis (ou amis d'amis) en commun.

 
De la même manière que les sociétés comme eBay ont permis à des personnes ordinaires de devenir vendeurs, les web collaboratives permettent que des services de particuliers agissent comme taxi, location de voiture, boutique, hôtel de charme ou quoique ce soit. La seule chose à faire est de s’inscrire en ligne et de télécharger l'application correspondante. L’apogée de l’économie concertée ressemble fort à ce qui s'est passé avec les achats en ligne il y a une quinzaine d'années. Au début les gens s’inquiètent pour la sécurité, mais après avoir réalisé quelques achats avec des compagnies sérieuses telles qu’Amazon, ils se sont sentis rassurés et ont acheté par le biais d’autres plateformes de ventes en ligne. De même, lorsque les gens auront loué avec succès une voiture pour la première fois sur Airbnb ou autre service, cela les encouragera à essayer d'autres plateformes collaboratives.

 
Ce modèle de collaboration fonctionne mieux avec des éléments chers à l'achat et que beaucoup de gens possèdent sans pourtant en tirer pleinement parti. Chambres et voitures sont les exemples les plus évidents, mais vous pouvez également louer des espaces pour le camping en Suède, des champs en Australie ou des machines à laver en France. Comme aiment le dire les partisans de l'économie collaborative, « l’accès dépasse la propriété ». Internet permet aussi plus facilement aux entreprises de louer des espaces de bureau non occupés ou des machines au repos, mais le cœur de l'économie collaborative se trouve chez les particuliers qui louent les choses entre eux. Cette « consommation collaborative » présente de nombreux avantages positifs. Tout d'abord, les propriétaires obtiennent de l’argent en louant des biens infra-utilisés. Dans le même temps, ceux qui louent payent moins que s'ils devaient acheter le produit eux-mêmes ou s'ils devaient le louer auprès d'un fournisseur traditionnel comme un hôtel ou une société de location de voiture (il n'est pas surprenant que de nombreuses entreprises collaboratives démarrent pendant la crise financière).

 
Il offre également de clairs avantages environnementaux. Par exemple, partager la voiture de quelqu'un quand on en a besoin au lieu d’en posséder une, signifie moins de voitures et moins de ressources consacrées à les fabriquer. Cette logique s'applique à presque toutes les marchandises partagées. La perceuse domestique typique en est un exemple parfait. Presque tous les foyers en ont une et pourtant, à moins d’être un bricoleur compulsif, elle sera à peine utilisée. Il est beaucoup plus logique de disposer de cet outil pour un prix raisonnable pendant les quelques jours par an où vous avez besoin de l'utiliser.

 
La croissance explosive de l'économie collaborative a beaucoup attiré l'attention, étant donné le potentiel offert de changer la façon dont nous faisons des affaires. Une grande partie de cette attention est positive, mais on a pu noter également une résistance considérable de la part des fournisseurs traditionnels. Uber est une entreprise énorme permettant facilement aux gens d'obtenir un transfert en voiture par le biais de conducteurs privés. Ce service collaboratif a eu beaucoup de succès dans de nombreuses villes du monde entier, mais, dans certains pays européens et surtout ici en Espagne, ce service a été fermé en raison des pressions exercées par les compagnies de taxi. De même, à Amsterdam, l'Administration utilise les listes sur Airbnb pour localiser les hôtels sans licence. Cette nouvelle forme de commerce a grandi si rapidement que les gouvernements n’ont pas encore pu la réglementer et la contrôler. Il est clair qu'il doit y avoir des règles qui protègent les consommateurs, mais de la même façon, il n'est pas souhaitable que soit étouffée cette liberté qui rend l'économie collaborative si flexible, pratique et économique. Nous espérons que les gouvernements du monde trouveront un moyen de réguler ce marché d’une façon douce et sensible. L'économie collaborative est le dernier exemple de la valeur d’internet pour les consommateurs et, bien développée, elle possède un immense potentiel pour contribuer à bâtir un monde plus durable et plus agréable. •