Le manque d'eau à Ibiza
Par Katherine Berry
Avoir suffisamment d’eau potable a toujours été un souci dans cette île si aride, d’autant plus que cette situation a atteint un niveau critique cette dernière décennie. L’on peut penser que les fortes pluies du début septembre seront suffisantes pour avoir toute l’eau dont nous avons besoin. Cependant, bien qu’elles furent les bienvenues, elles eurent peu d’effet sur l’ensemble du problème. Pour comprendre pourquoi la situation est si préoccupante, il faut analyser les deux côtés du problème : l’approvisionnement de l’eau à Ibiza (d’où elle vient) et la consommation de cette eau (comment est-elle utilisée). Dans cet article nous allons surtout étudier les défis de l’approvisionnement et ce que l’on peut faire pour l’améliorer. Dans le prochain numéro d’Ibicasa (du 15 décembre) nous approfondirons le problème de la surconsommation et les possibilités pour que cela reste durable.
Ibiza a deux provenances d’eau potable : les nappes aquifères (lacs souterrains) et l’eau des stations de dessalinisation. Commençons par les nappes aquifères, qui se nourrissent de l’eau de pluie filtrée par la terre. Il en existe 16, et leur niveau de réserve d’eau est vérifié chaque deux mois par le Govern Balear. Comme l’on peut voir sur le graphique, la moyenne de ces réserves d’eau descend de façon constante depuis ces dix dernières années.
Les points les plus hauts du graphique correspondent aux mois d’hiver, quand il y a plus de pluie et moins de consommation. C’est alors que se rechargent les nappes aquifères. Les points les plus bas sont ceux des mois d’été quand il y a peu de précipitations et la consommation est au maximum due au tourisme. Historiquement, Ibiza s’est récupérée de ces longues périodes de sécheresse en automne et hiver, plus humides et moins fréquentés. Cependant, depuis la dernière décennie, la consommation a augmenté durant la période touristique et a épuisé les nappes aquifères que la pluie n’arrive plus à remplir. En juillet 2014, les réserves avaient baissé à 24%, alors qu’au mois de juillet dernier elles étaient à 23%.
Il est certain que la réduction de consommation aiderait énormément à maintenir ces nappes plus pleines, et nous verrons cela, de façon plus approfondie, dans l’article du mois de décembre. Mais il y a des solutions qui peuvent beaucoup accroître l’approvisionnement. Il est certain qu’Ibiza soit une île assez sèche, bien que nous y recevons une quantité de pluie annuelle significative. En fait, la moyenne annuelle est d’environ 420 litres par m2, ce qui suppose qu’Ibiza reçoit un total de 240 millions de litres d’eau de pluie par an. Pour nous rendre compte, une piscine olympique contient 2,5 millions de litres d’eau, donc que la pluviométrie annuelle d’Ibiza emplirait 96.000 piscines olympiques. Un des grand problème est qu’une grande partie de cette eau va à la mer et n’arrive jamais aux nappes aquifères. Il faut donc penser à améliorer les manières pour garder et utiliser cette eau de pluie que nous gaspillons.
La solution est d’établir un système coordonné de gestion des eaux de pluie comme celui qui fonctionne en Californie et ailleurs. Il faudrait construire des canaux pour diriger l’eau de pluie vers des citernes et des réservoirs de stockage, ou vers des endroits où elle se filtrerait peu à peu dans le sol. Les normes urbanistiques peuvent rendre obligatoire l’installation de systèmes de récupération de l’eau de pluie dans toutes les nouvelles constructions. Ces mesures sensées, et d’autres, conserveraient plus de cette eau si précieuse. Cependant, il est possible que la demande continue d’augmenter, et l’on doit donc chercher d’autres sources d’approvisionnement d’eau.
Le fait d’être une île rend possible d’obtenir de l’eau potable à partir de l’eau de mer qui nous entoure grâce à des stations de dessalinisation. Il y en a deux en fonctionnement dans l’île : l’une à San Antonio et l’autre à Ibiza ville. Il en existe une troisième à Santa Eulalia qui fut complétée il y a quelques temps, mais n’a jamais marché pour cause de « retards administratifs ». Donc, une de nos trois stations n’est même pas en fonctionnement pour des raisons inconnues du public. De plus, les deux stations existantes produisent avec leur capacité opérationnelle, tantôt à 50% ou tantôt à 100% en été. Il semble que cette situation serait plus efficace et bénéfique s’il y avait plus d’attention et de moyens dédiés à ce sujet.
Un autre problème qui demande meilleurs attention et moyens est le système de la distribution de l’eau. Dans certaines parties de l’île, plus de 50% de l’eau disponible part dans des fuites avant même d’arriver aux maisons. D’après une information récente, « les fuites d’eau au cours de la distribution ont été constantes pendant les 15 dernières années, avec environ 30% de perte d’eau du réseau ». C’est alarmant de savoir que le réseau de San José perd, actuellement, 52% de sa distribution.
Ainsi, la solution au problème de l’approvisionnement de l’eau n’est pas seulement sa récupération, mais aussi de pouvoir accroître son efficience, comme par exemple :
• Investir dans les moyens pour que les trois stations de dessalinisation travaillent au maximum de leur rendement.
• Réparer les conduits des réseaux qui perdent de l’eau.
• Alimenter les villes par un système de tuyauteries branchées depuis les stations de dessalinisation afin de consommer moins d’eau des nappes aquifères.
• Stocker les eaux de pluie dans des citernes et des réservoirs.
Bien entendu, nous devons aussi tenir compte de l’autre côté de la médaille qui est notre consommation, et c’est ce que nous verrons dans le prochain numéro. Pour vous donner une idée, et attirer votre attention : analysons l’énorme quantité d’eau que consomment et gaspillent les piscines. Une piscine privée moyenne contient entre 40 et 50.000 litres d’eau. Ibiza a plus de dix mille de ces piscines, donc à n’importe quel moment donné elles accumulent 500 millions de litres d’eau. Une façon simple d’économiser beaucoup d’eau est de couvrir les piscines quand elles ne sont pas utilisées, parce qu’une piscine découverte évapore 55 litres d’eau par jour pendant les mois les plus chauds. Dans le prochain numéro nous étudierons plus de manières de réduire notre consommation d’eau personnelle à la maison et au travail. En attendant, c’est une bonne idée de commencer à prendre conscience de notre consommation d’eau, car nous sommes tous concernés par cette situation complexe. •
Cet article est basé sur une grande étude publié en août 2015, et financée par Ibiza Preservation Fund (IPF). Cet article a été écrit par Katherine Berry, qui à part être acuponctrice professionnelle, est volontaire à la IPF, cherchant à rendre conscient sur les problèmes de l’eau à Ibiza. Vous pouvez trouver plus d’informations à la page web de IPF.